jeudi 3 mars 2011

La case créole aux Antilles et en Guyane


Des cases au bourg de Pointe-à-Pitre© RFO

La case créole, distincte entre mille autres habitats, a ses spécificités. Véritable pan du patrimoine, elle prend des formes diverses, selon que l’on se trouve sur les îles de Guadeloupe et de Martinique, ou sur le continent américain en Guyane.
Elle fait partie intégrante de l’univers des Antillais et des créoles Guyanais et symbolise tout l’art de vivre propre à ces populations.
Avant l’abolition de l’esclavage
Le fruit d’un métissage culturel
Née de la nécessité, dès 1635, à laquelle les colons ont été confrontés, de loger leurs esclaves Africains, dans un contexte déjà peuplé d’Amérindiens, premiers habitants de ces régions, la case aux Antilles et en Guyane est riche des influences variées qu’elle a subies au cours du temps. La spécificité des matériaux disponibles sur place et le climat tropical humide, propre à ces régions, conditionnent, bien évidemment, la construction de ce type d’habitat. Retour sur l’histoire d’un mode de vie.


Un simple endroit pour passer la nuit
Les premières « cases nègres », construites dès le 17e siècle, ont l’économie pour premier souci. Sommaire, cet habitat est avant tout un lieu pour dormir : le mobilier est inexistant, le couchage s’effectue à même le sol. Mais la case est aussi le seul endroit qui permet aux esclaves d’avoir un peu de répit après une journée de labeur passée aux champs de canne à sucre et de café. Alignées sur le même modèle, elles se ressemblent toutes. La personnalisation n’est pas à l’ordre du jour.
Un travail d’équipe
Dès l’origine, les ressources naturelles du pays sont les premières mises à contribution pour que l’abri de fortune sorte de terre. Les palmiers font partie des principaux matériaux impliqués dans cette fabrication. Leurs troncs deviennent les planches, les poutres et les poteaux, tandis que leurs feuilles donnent à la case son toit et ses cloisons de paille. Selon l’endroit où se construit la case, on utilise des matériaux différents. Au détour d’un sentier, près d’un champ de canne à sucre, on verra des cases parées de feuilles de canne qui se balancent sur leurs toits, au gré des Alizés. Près d’une plage bordée de palmiers royaux, on trouve des cases faites avec leurs troncs.
Après l’abolition de l’esclavage
La case renaît
L’abolition de l’esclavage en 1848 apporte un nouveau souffle à la case. Du lieu de tourments, de l’endroit où l’on contait ses malheurs, où l’on soignait ses blessures, où chaque réveil était lui-même un cauchemar, la case va devenir un habitat où la vie reprend peu à peu le dessus.
A partir de 1850
La case hérite d’un mode de vie tourné vers l’extérieur, qui facilite et entretient les relations de bon voisinage et la vie communautaire, des habitudes typiques du système africain. Dès 1848, l’habitat créole se verra, de la même manière, doté de plusieurs dépendances, dont l’une, la cuisine, fait le bonheur de toute la famille. Cette séparation des pièces protégeait ainsi la case d’incendies possibles, dont la maisonnette aux mets et merveilles pouvait être à l’origine. C’est pour éviter que persistent de violents incendies, qui auront marqué la deuxième moitié du 19e siècle dans ces régions, que ces agencements ont été mis en place.
La cour intérieure
La case était également indissociable d’un espace de verdure dans sa proximité. Un petit regard aux alentours permettait de découvrir, quelques mètres plus loin, le petit jardin maraîcher, véritable marché qui assurait à la famille subsistance et indépendance en toutes circonstances. Des légumes, des arbres fruitiers, mais aussi des plantes aromatiques et médicinales, le composaient. Pour arriver jusqu’à la petite case qui constituait les toilettes, il fallait traverser une cour aménagée entre la case et la cuisine. Un ou deux bassins agrémentaient cette cour intérieure et permettaient d’avoir accès à l’eau pour toutes les activités quotidiennes de la maison.
Modeste et chaleureuse
La case de jadis n’est pas très grande. Rectangulaire, ses dimensions étaient en moyenne de 4 mètres sur 6, pour une hauteur de 2 mètres environ. Le sol, en terre battue d’abord, est par la suite recouvert d’un plancher. La pièce principale, dans laquelle on prenait les repas, est complétée par une ou deux chambres à coucher. Des étagères permettent de ranger les objets et vêtements appartenant à toute la famille.

Notre Maman créole sait quand même trouver des petits lieux secrets pour dissimuler, aux yeux des enfants, le sucre et les pâtisseries réservés à certains moments attendus comme les goûters, les communions... Quelques images pieuses, des napperons en dentelle, et parfois des photos viennent orner la pièce principale.

Mais l’un des endroits privilégiés de cet habitat reste sans doute la galerie, ou véranda, sur laquelle ouvre, à plusieurs endroits, le séjour. La fraîcheur des Alizés est alors invitée, à travers les persiennes en bois, à ventiler la case toute entière dans ses moindres recoins, chaleur tropicale oblige ! Un fauteuil à bascule et des bancs viennent compléter ce lieu de tous les délices, ou l’on a plaisir à échanger quelques nouvelles du voisinage proche et éloigné...


Quelques constructions et puis s’en vont ...
Un transport de case en Guadeloupe© RFO
La case, c’est aussi un abri qui s’adaptera aux différents mouvements de la famille. Ainsi, chaque fois qu’une famille devait aller s’installer dans un autre endroit que celui sur lequel elle s’était établie, elle abandonnait les dépendances, soulevait la case pour la déposer sur une carriole et s’en allait avec. On pouvait donc croiser sur les routes guadeloupéennes d’antan, un chargement assez curieux, qui consistait en une case transportée sur une charrette, tirée par des bœufs. La case, soumise aux caprices de Mère Nature : tempêtes tropicales, cyclones, inondations, était fréquemment détruite. En cas de destruction, voisins, amis et famille se mettaient à l’œuvre pour redonner vie aux habitats dévastés. Tout le monde était capable de reconstituer ce type d’habitat et la solidarité jouait à plein. Techniques de construction de 1850 à nos jours
Dès 1850
La case va évoluer au plan de l’utilisation des ressources. Rapidement, on fera aussi appel à des matériaux apportés de l’extérieur. La tuile en est un exemple fréquent, elle occupe en Martinique, notamment, une place de premier choix.
Au début du 20e siècle
C’est le modèle en gaulettes que l’on retrouvera le plus fréquemment. Il s’agit d’un branchage astucieux de petits arbrisseaux tressés que l’on rencontre dans ces régions appelés « ti baumes ». Ce branchage est ensuite amélioré d’un efficace, mélange de terre, de bouse de vache, de cendre et de chaux.
Dès la seconde moitié du 20e siècle
Mais rapidement, les toits de paille de l’habitat créole, aux Antilles comme en Guyane, vont faire majoritairement place à la tôle. Ce ne sont donc plus seulement les matériaux que l’on retrouve immédiatement dans ces régions qui rentrent dans la recette d’une bonne case. L’amélioration des conditions de vie, que connaîtra la population, permet au modèle en bois, et plus tard en béton armé, de se développer. La case se transforme pour devenir un espace convivial.
Mouvement des populations rurales
Le début du 20e siècle est marqué par le départ des populations rurales créoles des Antilles et de Guyane vers les bourgs. Diverses raisons, d’ordres économique et social en sont à l’origine (fermeture des usines sucrières, construction des écoles, développement de commerces urbains, etc.). Les habitants emporteront avec eux leurs modes de vie ruraux et leurs demeures, qui subiront quelques modifications.
La case s’agrandit
Une case "haut et bas" de Cayenne© RFO
La case sera, à partir de cette période, construite pour résister au mieux aux aléas de la Nature. On verra alors apparaître le modèle « haut et bas » : le rez-de-chaussée est en béton armé, pour mieux résister aux incendies, tandis que l’étage en bois, ne sera pas surpris par les tremblements de terre. Des chiens assis, petites ouvertures sur le toit pour faciliter l’aération, viennent compléter les façades des cases.
La disposition intérieure reste la même
Les agrandissements ne changent rien le mode de vie rural des familles, l’aménagement des cases reste donc sensiblement le même. La tôle et les tuiles sont encore largement utilisées dans l’élaboration du toit de cet habitat. Un groupe de cases s’articule autour d’une cour, appelée « cour des cases ». Elle est située au centre et reconstitue la notion de village. Elle est désormais commune à plusieurs cases. Elle fait le lien entre les modes de vie urbain et campagnard. On peut y voir des enfants s’adonner à des jeux de toutes sortes et des ménagères s’affairer à de menues besognes. Encore aujourd’hui, en sillonnant Cayenne, Fort-de-France ou Pointe-à-Pitre, on peut se perdre dans ces carrefours de cases, véritables mondes insoupçonnés.
Les années 1960 sonneront l’arrivée d’une période difficile pour la case. Le « tout-béton », synonyme de solidité et d’habitat définitif, fera son entrée, notamment avec les immeubles et les maisons individuelles. Il y fera une chaleur écrasante pour laquelle il faudra trouver des solutions. Il faut retourner dans les campagnes pour retrouver la case telle qu’on l’a connue autrefois. Il semble que la case vive, à ce moment là, ses dernières heures. Elle n’a pourtant pas dit son dernier mot, et manifestera dans les années à venir, le désir des créoles antillais et guyanais de se réapproprier cet habitat, et à travers lui également une part de leur histoire. Une chose reste certaine : la case est encore aujourd’hui, malgré sa fragilité, la seule construction réellement adaptée au climat tropical humide.


La case aujourd’hui
A partir de 1980, la case revient en force. Que ce soit à Cayenne, Pointe-à-Pitre ou Fort-de-France, elle côtoie les bâtiments les plus modernes et rivalise des couleurs les plus attrayantes. Même si la cuisine et les autres dépendances vont peu à peu rejoindre la pièce principale et les chambres à coucher, cela n’enlèvera rien au charme certain de cet habitat. En Guyane, plusieurs initiatives de rénovation sont peu à peu mises en place, tandis qu’en Martinique la tuile fabriquée autrefois à la Poterie des Trois-Ilets, revient au goût du jour.
Il y a même en Martinique un agriculteur, Gilbert Larose, aidé d’Elise, sa compagne qui a eu à coeur de « revaloriser la culture d’antan ». Gilbert est ainsi à l’origine de la reconstitution d’un village tel qu’on l’a connu jadis, aux Trois-Ilets, La Savane des Esclaves. Il propose à ses visiteurs un parcours à travers la Martinique d’antan, accompagné d’une dégustation des produits du terroir, qui ont fait la joie des aînés. Cette initiative vise non seulement à faire redécouvrir la case, mais aussi à faire connaître le mode de vie des Antilles du début du 20e siècle.
Plus généralement, dans la région Amazone Caraïbes, on voit revenir des pratiques, que les architectes appellent bioclimatiques, et qui ont fait bonne recette par le passé comme par exemple l’orientation de la case pour faciliter l’aération et la récupération de l’eau de pluie.

La case se modernise
Tout en gardant son charme d’antan, sa fraîcheur à vivre, l’intelligence de sa construction, la case aujourd’hui s’enrichit aussi de potentiels nouveaux. C’est ainsi qu’elle peut faire appel à la piscine pour présider aux moments de détente familiaux et amicaux. Une cuisine extérieure peut, elle aussi, compléter le tableau, et accueillir ainsi les plus grandes réunions. Ancienne mais encore bien présente dans les sociétés créoles, la case se conjugue donc aussi au futur. Elle évoluera encore peut- être en fonction des changements de modes de vie de ses habitants. Ce qu’elle ne perdra sans doute pas, c’est son ouverture vers l’extérieur qui témoigne d’une grande convivialité, assortie d’une solidarité jamais démentie en cas de mise en péril d’une case.

2 commentaires:

Camille Bouchard a dit…

Deux mois sans entrée de blogue, on commençait à s'inquiéter. On espère que tout va bien pour vous et que votre saison touristique est bonne.

Amitiés,

Nancy et Camille

Unknown a dit…

Bonjour les amis,
Le début d'année a été un peu perturbé par des occupations "plus importantes" ... le venue de Philippe, Florence et leur petit Colin mais on n'en a pas moins continué à vous suivre et à découvrir le monde par vos yeux.
Amitiés de toute la famille